La densité, enjeu majeur de l’urbanisme contemporain

La densité des constructions au sein des opérations d’aménagement est un enjeu majeur pour les concepteurs. Depuis le début du siècle, les lois freinant l’étalement urbain, l’artificialisation des sols et favorisant la protection des espaces naturels et agricoles et leurs continuités se succèdent et se confrontent. Les fonciers pour construire des logements, des infrastructures et des équipements sont de plus en plus contraints et il devient indispensable de remettre en question les habitudes d’aménagement consistant à urbaniser des fonciers en extension urbaine.

La solution la plus naturelle est donc de construire plus haut, plus dense et sur du foncier en recyclage urbain. Cette solution se heurte à une difficulté majeure : le ressenti de la densité souvent associé aux grands ensembles, aux tours, à la surpopulation ou encore aux embouteillages, semble négatif pour une part majoritaire de la société pour laquelle la maison individuelle reste un idéal. 

La population n’est pas la seule à convaincre d’une évolution du cadre de vie. Les élus aussi doivent faire évoluer leur référentiel en matière de formes urbaines. 

Mais alors comment concilier ces enjeux d’apparence contradictoires avec une volonté exprimée par les citoyens de privilégier la ville dite du quart d’heure et des courtes distances ?

 

Mais concrètement, quand on parle de densité, de quoi parle-t-on ?

En sciences sociales il existe une définition très précise de la densité : le rapport entre une quantité et l’espace étudié. 

Différentes façons de calculer la densité sont possibles : 

  • La densité nette, qui mesure une surface occupée par une affectation donnée (équipement, logement, bâti, etc.). Son calcul ne prend pas en compte les surfaces occupées par d’autres affectations que celle étudiée.
  • La densité brute, qui prend en compte l’espace dans son intégralité.

La “densité” englobe de nombreuses significations selon à quoi elle se rapporte : densité de population, densité commerciale, densité bâtie, densité de logements, etc. Concrètement, selon la méthode de calcul, le résultat de densité peut montrer d’importantes variations. 

L’enjeu réside bien dans la densité perçue plutôt que la densité mesurée. La densité est acceptée de manière hétérogène dans la mesure où elle est liée à un rapport subjectif entre l’espace bâti et non bâti. À ce titre, deux tissus urbains à densité bâtie identique peuvent être ressentis de manière différente. La densité perçue ne peut se limiter à une donnée quantitative et dépend de la perception qu’en ont les habitants. 

 

Trois facteurs influencent la perception subjective de la densité : 

  • Les facteurs liés à l’individu, comprenant les caractéristiques de l’individu (âge, genre, CSP), son vécu (trajectoire résidentielle, taille du logement, lieu de vie), ses référents socioculturels, son approche sensorielle.
  • Les facteurs liés au quartier et à la sociabilité, comprenant les éléments socioculturels, le rapport intimité / relations sociales, le partage de la rue, les aménités urbaines et les aménités sociales.
  • Les facteurs liés au cadre urbain, comprenant les formes urbaines, le tissu urbain, le logement, le patrimoine, l’entretien des espaces publics, la présence de la nature, la voirie, le stationnement, les transports en commun et les mobilités douces et les ambiances (bruit, odeur, etc.). 

Pour éviter cet amalgame, d’autres termes sont souvent privilégiés : compacité urbaine, intensité urbaine, ville du quart d’heure. 

 

Les résultats observés à Ginko 

Une étude universitaire menée pour le CEREMA en 2016, s’intéresse à la perception habitante des nouveaux quartiers denses bordelais. Elle a pour terrain d’étude l’écoquartier Ginko à Bordeaux. En 2016, cet écoquartier n’était qu’en première phase de livraison. 

L’objectif final de cette étude était d’établir un regard croisé sur la mise en œuvre locale des politiques nationales en faveur de la densification et sa réception par les habitants des nouveaux quartiers denses.    

Un protocole scientifique a été suivi dans le cadre de cette étude. Il inclut notamment des entretiens avec les acteurs bordelais de l’aménagement et de la construction pour comprendre le regard des professionnels sur la densité et leurs pratiques vis-à-vis du cadre législatif et des réalités locales. Ces entretiens ont été complétés par des entretiens qualitatifs avec les habitants de l’écoquartier Ginko pour interroger leur pratique du quartier, mais également leur perception de la densité. 

Les conclusions ont montré que l’écoquartier Ginko n’était pas perçu comme dense par ses habitants. L’impression de densité du bâti n’est pas marquée grâce aux nombreux espaces de respiration, espaces verts,  à la mixité des usages et aux formes architecturales diverses qui permettent de facilement se repérer et créer une identité forte. 

Face à ce constat, force est de se demander comment les “faiseurs de ville” ont pu améliorer les perceptions de la densité à Ginko ?

Plusieurs pistes de réponses peuvent être apportées : 

  • la diversité des formes bâties et architecturales 
  • la conception des logements 
  • le rapport à l’autre et à l’intimité 
  • les espaces de respiration et de nature 
  • l’identité et la cohérence architecturale
  • le “vivre ensemble” et l’intensité urbaine favorisé par des lieux de vie et de rencontre, la présence de services
  • le suivi après livraison 

 

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