La renaturation pour atteindre les objectifs du ZAN

 

L’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est un sujet complexe. Adopté pour mettre fin à l’étalement urbain, il agite aujourd’hui encore l’actualité politique, en particulier pour le transcrire dans la réglementation. L’application du ZAN pose de nombreux défis pour les territoires qui cherchent à le traduire dans des actions concrètes. L’approche de cette problématique par l’urbanisme et l’écologie fournit des réponses pertinentes. 

 

Construire, oui, mais pas n’importe comment et surtout, pas n’importe où. C’est pour lutter contre l’artificialisation des sols et la perte de la biodiversité que le ZAN a été adopté au sein de la loi Climat et résilience le 24 août 2021.

Cet outil comptabilise les surfaces artificialisées et non artificialisées. Le rythme d’artificialisation et la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 doit être réduit de 50 % par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. En 2050, le solde devra être nul.

Sa présentation a suscité de vives discussions au Sénat et parmi des élus locaux, notamment lors de la promulgation de la loi climat et résilience, ou au moment de la publication des décrets d’application en avril 2022. Deux de ces derniers ont fait l’objet d’un recours par l’Association des Maires de France (AMF) devant le Conseil d’État, et une loi facilitant la mise en œuvre des objectifs a été publiée le 20 juillet dernier. Aujourd’hui, il est encore difficile de prévoir la forme définitive qu’adoptera le ZAN.

Les principales critiques portent sur la nomenclature des sols artificialisés, jugée inapte à encourager la renaturation en ville, ou encore la prise en compte des projets d’intérêt national à l’échelle régionale, qui augmentent localement la consommation foncière sans contrepartie. L’absence de mention de financements pour accompagner les collectivités inquiète également de nombreux maires.

Comment dès lors lutter contre l’artificialisation ? Densifier, lutter contre la vacance, encourager la multifonctionnalité des espaces… les moyens d’y parvenir sont nombreux. Cependant, la limitation de l’artificialisation seule ne suffira pas à atteindre l’objectif ZAN : la mise en œuvre de projets de renaturation est indispensable.

 

Renaturer pour créer des écosystèmes fonctionnels

Si l’on s’en tient à la réglementation actuelle, renaturer c’est désartificialiser. Il s’agit aujourd’hui de convertir un espace foncier artificialisé en espace naturel ou agricole. Le décret d’application d’avril 2022 précise cette définition : désartificialiser signifie transformer des surfaces imperméabilisées, des surfaces revêtues de matériaux minéraux ou composites, ou des surfaces recouvertes d’herbes et faisant l’objet d’interventions humaines, en des surfaces végétalisées cultivées ou propices à l’accueil de la biodiversité, ou en des surfaces naturelles nues.

La réalité est évidemment plus complexe que la législation. Renaturer, au sens écologique du terme, c’est recréer un écosystème. Il s’agit donc de reconstruire un milieu et les êtres vivants qui y cohabitent, pour former un ensemble fonctionnel et résilient. En tant qu’êtres humains, nous faisons partie et dépendons du vaste réseau des écosystèmes.  Nos villes, aussi dénaturées soient-elles, y participent également. Il suffit de voir les effets de la végétation sur le bien-être, la qualité du cadre de vie ou l’acceptation de la densification pour constater nos liens avec notre environnement.

Des écosystèmes riches et en bon état sont des atouts pour le vivant. Ils sont plus résilients face au changement climatique, ils diminuent la propagation des épidémies dans les populations, etc. De plus, ils produisent des services qui bénéficient directement aux sociétés humaines : rafraîchissement, gestion des eaux pluviales, bien-être, dépollution… La renaturation consiste donc à reconstituer des écosystèmes aussi fonctionnels et riches que possible, et cela nécessite de la pleine terre.

 

Des expertises au service de la renaturation

Deux échelles principales sont à prendre en compte dans la renaturation : le projet d’aménagement et le territoire.

Dans un projet d’aménagement, la renaturation consiste à restaurer les sols imperméabilisés, avant de les végétaliser de manière active ou non. Le principe est de faire émerger des zones qui répondent aux besoins primaires des espèces : refuge, alimentation, reproduction, déplacement, repos… Ces zones d’habitats sont différentes pour chaque espèce, il est donc important de bien connaître celles qui sont déjà présentes sur site et celles qui sont situées à proximité pour créer les habitats adaptés. Les expertises croisées d’un écologue naturaliste, pour identifier les espèces et leurs besoins, et celle d’un écologue urbain, pour conseiller la manière d’adapter l’aménagement à ces derniers, sans compter l’intervention d’un expert du sol, sont donc essentielles.

Les opérations de renaturation en aménagement prennent différentes formes : des surfaces d’accompagnement sur un projet de réhabilitation de bâtis jusqu’à une zone dédiée toute entière. Différents outils existent pour quantifier ces renaturations ou la qualité générale des projets en la matière. Certains d’entre eux peuvent être créés ou adaptés au plus près des spécificités d’un aménagement, pour en saisir toutes les particularités.

À l’échelle d’un territoire, l’objectif est de relier les populations animales et végétales entre elles afin d’engendrer des écosystèmes diversifiés et connectés, ce qui améliore leur fonctionnement et leur résilience. Il se traduit notamment par les trames vertes et bleues (TVB), qui sont des réseaux constitués de corridors écologiques et de réservoirs de biodiversité identifiés dans les documents de planification. À travers leur analyse et le croisement d’autres données du territoire, l’expertise en écologie urbaine peut aider à localiser et prioriser les zones devant faire l’objet d’opérations de renaturation, et à préconiser des méthodes adaptées.

L’accompagnement au changement auprès des usagers et des collectivités 

Les opérations de renaturation rompent souvent avec l’esthétique traditionnelle des espaces verts et nécessitent parfois un accompagnement pour être acceptées par les usagers. Des méthodes sont mobilisables pour montrer que ces espaces ne sont pas laissés à l’abandon : l’installation de panneaux pédagogiques ; des différenciations nettes de gestion en tondant régulièrement juste au bord des chemins pour laisser l’herbe pousser au-delà par exemple. Ces opérations peuvent aussi entraîner des conflits d’usages, comme des mises en défens de certaines zones, appelant là encore une démarche d’accompagnement.

L’accompagnement au changement passe également par la formation. Proposer des enseignements sur la biodiversité permet aux usagers de comprendre les démarches mises en œuvre et leur donne souvent davantage envie de la protéger. Les formations concernent aussi les acteurs du territoire comme les collectivités. Bien appréhender les enjeux écologiques, s’assurer de la bonne adéquation entre les opérations de renaturation et les projets d’aménagement du territoire ou encore aux besoins des collectivités… sont autant de pratiques facilitatrices de changement.

Une approche participative, impliquant directement les usagers, constitue un gage majeur et souvent sous-estimé de l’évolution des pratiques. À travers des ateliers, jeux ou balades urbaines, les habitants apportent leur expertise d’usage, facteur important de réussite des projets et souvent invisible aux yeux des acteurs de l’aménagement. Les démarches de concertation et de co-construction facilitent l’appropriation des réalisations et assurent une bonne prise en compte des besoins et usages des habitants. Elles réduisent par là même de coûteux revirements en cours de projet, non pensé pour et avec les habitants, ainsi que les dégâts des mésusages et les dégradations.

 

La renaturation, pilier du ZAN et de la transition écologique

Réduire le ZAN à un simple outil de comptabilité de l’artificialisation des sols serait manquer son rôle fondamental dans la transition écologique de la France. Ne plus artificialiser est une action forte pour préserver la nature et le fonctionnement des écosystèmes. Elle implique un changement de paradigme, une nouvelle manière d’habiter le territoire, un regard différent sur notre environnement. Ce bouleversement de nos habitudes ne doit pas être vu comme une contrainte. L’objectif ZAN , même si son application réglementaire doit encore évoluer, est une incitation à faire mieux, à penser des aménagements du territoire qui profiteront à la société et à chacun de ses membres grâce aux nombreuses aménités environnementales qu’ils vont engendrer. Des solutions existent déjà et elles se multiplieront dans les années à venir. Afin de les mettre en œuvre, n’oublions pas ce qui se cache derrière les chiffres, et adoptons une démarche active et qualitative, plus sociale et plus écologique.

 

Pierre-Antoine Thevenin – Ingénieur AgroParisTech – Ecologue urbain – Écologie Urbaine & Citoyenne

Ecologie Urbaine & Citoyenne, au service des villes et territoires 

Écologie Urbaine & Citoyenne est une agence d’urbanisme spécialisée dans l’écologie et l’intelligence collective implantée à Montreuil, Bordeaux, Lyon et Toulouse. Pour mener à bien son approche écosystémique de la ville et des territoires, l’équipe présente des profils divers (urbanistes, architectes, ingénieurs, écologues, etc.) et des expertises variées sur les sujets de l’écologie urbaine (carbone, résilience, biodiversité).

1 Points