Depuis la Cloaca Maxima qui a recueilli les eaux de Rome il y a plus de 2 000 ans, les canalisations sont devenues un symbole de notre civilisation, entre prouesse technique, salubrité et raffinement du paysage urbain. Généralisés dans les grandes villes à partir du XIXe siècle, les réseaux de canalisation ont le double objectif de recueillir les eaux usées et les eaux de pluie. Cependant, ils ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Leur débit, insuffisant dès la conception (qui remonte souvent des décennies en arrière), est réduit par le manque d’entretien et n’est plus en adéquation avec les épisodes pluvieux brutaux dûs au dérèglement climatique. Par conséquent, une partie de l’eau de pluie est bloquée en surface et s’accumule sur le béton et l’asphalte imperméables, provoquant des inondations par ruissellement souvent spectaculaires, parfois mortelles.
C’est pourquoi Écologie Urbaine et Citoyenne s’inscrit dans une démarche alternative de gestion des eaux pluviales, inspirée du déroulement naturel du cycle de l’eau. Nos pratiques sont inspirées des meilleurs experts tels que Marie Pire ou Urban Water.
Dans la nature, l’eau s’infiltre dans le sol. Elle est alors stockée dans un nappe phréatique ou bien intègre une rivière souterraine, irriguant au passage l’improbable biodiversité qui grouille sous nos pieds, sans oublier les racines des plantes. L’infiltration est le maître mot de la gestion des eaux pluviales que nous défendons : elle soulage les canalisations en confiant une partie du débit au sol et ce faisant, favorise la biodiversité, prévient la sécheresse et alimente les nappes phréatiques. Dans les cas de pluies extrêmes, l’infiltration trouve elle aussi ses limites, c’est pourquoi des solutions de stockage en surface doivent être anticipées.
De nombreuses solutions existent, parmi lesquelles :
– Le jardin de pluie, un espace vert conçu pour une infiltration maximale, voire pour être converti en lieu de stockage (c’est-à-dire inondé) en cas de fortes pluies. Dispersé aux endroits clés où l’eau ruisselle, il est un maillon essentiel de la gestion des eaux pluviales.
– La place peut cependant manquer notamment en centre-ville, d’où l’idée de miniaturiser ces jardins de pluie sous la forme de noues. Ces dernières sont des fossés végétalisés remplissant eux aussi le double objectif de l’infiltration et du stockage. Leur forme longiligne les prédispose à border les axes de circulation.
Bien que efficaces, ces solutions consomment un espace public précieux dans l’éventualité d’évènements météorologiques seulement ponctuels. Pourquoi dans ce cas, ne pas penser une multiplicité d’usages ? Le jardin de pluie ou le bassin de rétention peuvent par temps sec devenir un parc urbain, un terrain de sport ou encore un cheminement récréatif. L’espace public inondable est un bon moyen d’optimiser l’espace et le temps.
Face aux pluies les plus violentes, les solutions précédentes risquent de ne pas suffire. Ainsi, des solutions existent pour proposer des solutions complémentaires :
– Un bassin, sec (terrain vague) ou humide (étang), a l’avantage d’offrir un volume de stockage important adapté aux cas extrêmes, tout en contribuant à un cadre de vie apaisé par temps sec.
– Et si la place manque, le bassin peut être aménagé hors sol : sur les terrasses et toitures-réservoirs, qui peuvent aussi être des terrasses et toitures végétalisées.
– Toutefois, la gestion des eaux de pluie à ciel ouvert n’est pas toujours plébiscitée, notamment en centre-ville où le revêtement lui-même constitue un patrimoine architectural à préserver. Qu’à cela ne tienne, il est possible d’installer le dispositif de gestion des eaux pluviales sous le revêtement imperméable en suivant le principe du système de Stockholm. Ainsi, même un sol en apparence imperméable peut participer à la gestion des eaux pluviales.
De ce petit tour d’horizon ressortent deux principes fondamentaux. Le premier, qui commence à être connu et reconnu, est que l’eau doit être gérée là où elle tombe, qu’elle soit infiltrée ou stockée puis évaporée. Autrement dit, il faut éviter au maximum de surcharger les canalisations. Le second principe est qu’il existe une multitude de solutions et que chacune a sa place dans le contexte particulier qui lui sied le mieux. Cela dépend de la surface qu’elle occupe, du volume qu’elle gère, du coût qu’elle implique ou encore des cobénéfices qu’on attend d’elle.
Bien sûr, ces infrastructures ont un coût d’installation et d’entretien, bien moindre cependant que les systèmes de gestion des eaux pluviales enterrés : quelques euros par m3 d’eau pour un espace vert contre 600 à 1000 € par m3 pour un réseau enterré ! En effet, une infrastructure à ciel ouvert est bien plus légère à réaliser et aussi plus facile à entretenir, d’où un coût de maintenance également avantageux. Ces solutions adaptées aux risques naturels et écologiques bénéficient d’ailleurs de nombreuses subventions.
Imperméables et (insuffisamment) drainées, nos villes se sont trop longtemps construites sur le déni des pluies. Il est temps de reconnaître que la meilleure façon de gérer l’eau est encore de l’intégrer dans le paysage urbain. Nous pensons donc chez Écologie Urbaine et Citoyenne que la gestion gravitaire, à ciel ouvert et à la parcelle des eaux pluviales doit être toujours privilégiée.
